jueves, 26 de febrero de 2015

Boris Vian: Moriré de cáncer de la columna vertebral/ Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale



Moriré de cáncer de la columna vertebral
ese será un día horrible
claro, tibio, perfumado, sensual
Moriré del deterioro
de ciertas células poco conocidas
Moriré de una pierna arrancada
por una rata gigante salida de un gran hueco
Moriré de cien cortadas
el cielo me caerá encima
roto como un pesado cristal
Moriré de un estallido de voz
reventando mis oídos
Moriré de lesiones sordas
infligidas a las dos de la mañana
por asesinos indecisos y calvos
Moriré sin darme cuenta
de que muero, moriré
enterrado bajo las ruinas secas
de miles de metros de algodón derrumbado
Moriré ahogado en aceite de motor
pisoteado por bestias indiferentes
y justo después, por bestias diferentes
Moriré desnudo o vestido de rojo
o cosido de una bolsa de hojas de afeitar
Moriré quizás sin haberme
arreglado las uñas de los pies
y las manos llenas de lágrimas
y las manos llenas de lágrimas
Moriré cuando se sacudan
mis párpados como de un sol rabioso
cuando me digas lentamente
cosas malvadas al oído
Moriré de ver niños torturados
y hombres asombrados y pálidos
Moriré comido vivo
por gusanos, moriré de
manos atadas bajo una cascada
Moriré quemado en un incendio triste
Moriré un poco, mucho,
sin pasión pero con interés
y cuando esto termine
moriré

Boris Vian


Original:


Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale
Ça sera par un soir horrible
Clair, chaud, parfumé, sensuel
Je mourrai d'un pourrissement
De certaines cellules peu connues
Je mourrai d'une jambe arrachée
Par un rat géant jailli d'un trou géant
Je mourrai de cent coupures
Le ciel sera tombé sur moi
Ça se brise comme une vitre lourde
Je mourrai d'un éclat de voix
Crevant mes oreilles
Je mourrai de blessures sourdes
Infligées à deux heures du matin
Par des tueurs indécis et chauves
Je mourrai sans m'apercevoir
Que je meurs, je mourrai
Enseveli sous les ruines sèches
De mille mètres de coton écroulé
Je mourrai noyé dans l'huile de vidange
Foulé aux pieds par des bêtes indifférentes
Et, juste après, par des bêtes différentes
Je mourrai nu, ou vêtu de toile rouge
Ou cousu dans un sac avec des lames de rasoir
Je mourrai peut-être sans m'en faire
Du vernis à ongles aux doigts de pied
Et des larmes plein les mains
Et des larmes plein les mains
Je mourrai quand on décollera
Mes paupières sous un soleil enragé
Quand on me dira lentement
Des méchancetés à l'oreille
Je mourrai de voir torturer des enfants
Et des hommes étonnés et blêmes
Je mourrai rongé vivant
Par des vers, je mourrai les
Mains attachées sous une cascade
Je mourrai brûlé dans un incendie triste
Je mourrai un peu, beaucoup,
Sans passion, mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai.


Boris Vian